La présidentielle mexicaine, remportée par le candidat du PRI Enrique
Peña Nieto est ébranlée par de nombreux soupçons de fraude électorale.
Le point avec Lourdes Morales, membre d'une ONG qui milite pour la
tranparence.
REUTERS/Tomas Bravo
Manuel Lopez Obrador, candidat de la gauche, a contesté les résultats de la présidentielle...
Il a déposé un recours pour dénoncer des achats massifs de votes et le
manque d'équité des moyens de communication pour la campagne électorale.
Les observateurs électoraux qui utilisent les nouvelles technologies
tels que "cuidemos el voto"et le mouvement des étudiants Yosoy#132 ont effectivement fait état d'intimidations et de menaces dans certaines régions.
Dèjà, lors des élections de mi-mandat de 2009, le Parti révolutionnaire institutionnel
(PRI) a obtenu une majorité absolue à la chambre basse mais beaucoup de
fonctionnaires ont été accusés de manipuler la machine électorale et le
PRI a été soupçonné d'achat de votes. Même constat lors des élections
locales dans l'Etat de Puebla pour le Parti action nationale (PAN) et le Parti de la révolution démocratique (PRD) pour la ville de Mexico.
Quels moyens le gouvernement mexicain emploie-t-il pour lutter contre la fraude?
Après
l'élection présidentielle de 2006, entachée de nombreuses
irrégularités, planait l'ombre de la fraude électorale sur le scrutin de
2012. En 2007, une série de réformes constitutionnelles et légales ont
été approuvées par le Congrès fédéral. Elles garantissent aux partis
politiques un accès égalitaire aux médias, et un comptage des votes plus
rigoureux (avec la possibilité de recompter les voix quand il y a des
doutes sur le résultat). La réforme a aussi restreint la publicité des
partis politiques à la télévision et à la radio, ainsi que les
financements privés au sein de ceux-ci. Depuis cette réforme électorale,
le gouvernement et les fonctionnaires (en particulier les Gouverneurs
des Etats) n'ont pas le droit de faire de prosélytisme.
Pour les
élections de 2012, l'Institut Fédéral Electoral (IFE), organisme
autonome responsable de l'organisation des élections fédérales, a voulu
améliorer sa capacité de suivi des médias. Une formation des
fonctionnaires a même été mise en place ; 2 millions de citoyens ont été
formés comme scrutateurs aux tables électorales avec l'aide de près de
30.000 assistants électoraux et près de 5000 superviseurs. Il s'agit
d'une majorité de jeunes employés de l'IFE.
Y-a t-il eu par le passé des preuves sérieuses de fraudes?
Toutes
ces précautions visent à ne pas reproduire ce qui s'est passé lors de
l'élection présidentielle de 1988. Cette année-là, le leader de la
gauche, Cuauhtémoc Cárdenas (PRD), a perdu la présidence en raison d'une
gigantesque fraude électorale orchestrée par le PRI, au bénéfice de son candidat Carlos Salinas.
L'escroquerie fut tout sauf subtile. Une fois fermés les bureaux de
vote, les premiers sondages donnaient Cárdenas gagnant. Cependant, un
prétendu problème dans le système électronique a arrêté le comptage. A
la reprise de celui-ci, Salinas avait pris les devants.
Quand la victoire du candidat du PRI a été annoncée,
l'opposition a demandé que les bulletins électoraux soient rendus
publics pour vérification. Mais un incendie "accidentel" dans le
sous-sol du Congrès, où les bulletins étaient conservés, a effacé les
preuves d'une éventuelle fraude du PRI et par là même la première
possibilité réelle de la gauche mexicaine d'accéder au pouvoir.
Et aujourd'hui, comment prouver l'existence d'irrégularités?
Le
problème avec l'achat de vote, c'est que les preuves sont difficiles à
trouver: pour beaucoup de citoyens, participer à des activités
politiques en échange de biens ou d'argent, ne constitue pas un délit.
Comment prouver ces fraudes, quand pour encore beaucoup de citoyens
mexicains, c'est quelque chose de tout à fait normal? Malheureusement,
le clientélisme fait partie du décor politique depuis bien trop
longtemps pour qu'on puisse totalement le contrôler et l'éradiquer. Les
Mexicains vivent dans l'ombre de la fraude électorale.
Cependant
dans cette élection la différence entre la coalition du PRI (avec les
Verts) et celle de la gauche est de plus de 6 points. Pour annuler cette
élection il faudra prouver des irrégularités sur 3 millions de votes,
ce qui semble très difficile.
Peña Nieto souhaite donner l'image d'un PRI rénové et démocratique. Pensez-vous que cela va être le cas ?
Je
crois que le PRI n'a pas changé. Il n'est d'ailleurs pas "de retour" au
pouvoir, comme on le dit, puisqu'il gère -de manière désastreuse, 19
Etats sur 31 au total. Sur les 19 actions que notre organisme réclamait
aux différents candidats à la présidentielle, Peña Nieto s'est engagé
une semaine avant son élection sur 10 à 12 d'entre elles. Nous
demandions notamment plus d'autonomie pour les institutions chargés de
la transparence, et une meilleure information sur la gestion des
finances. Nous avons également proposé la création d'un organisme
capable de sanctionner tous ceux qui sont responsables de détournement
de fonds et de corruption.
Nous, la Red de Rendición de Cuentas,
sommes méfiants envers le PRI. Ce qui compte maintenant, ce sont les
actions concrètes que le nouveau gouvernement va engager, notamment dans
sa lutte pour la liberté d'expression et la tolérance.
No comments:
Post a Comment