Wednesday 18 July 2012

Mexique: "La fraude électorale est endémique"

Propos recueillis par , publié le

La présidentielle mexicaine, remportée par le candidat du PRI Enrique Peña Nieto est ébranlée par de nombreux soupçons de fraude électorale. Le point avec Lourdes Morales, membre d'une ONG qui milite pour la tranparence.

PRESIDENTIELLE AU MEXIQUE - Le candidat du Parti révolutionnaire institutionnel(PRI), Peña Nieto, a obtenu 38,15% des voix contre 31,6 à Lopez Obrador, selon un décompte portant sur près de 98,95% des bulletins dépouillés. Mais l'ombre de la fraude plane sur les résultats du scrutin.

REUTERS/Tomas Bravo

Arrivé deuxième, dimanche, à 6 points du candidat du PRI Enrique Peña Nieto, le candidat de la gauche à l'élection présidentielle mexicaine, Andres Manuel Lopez Obrador va demander que soient recomptés la totalité des bulletins de vote en raisons d'"incohérences" dans le scrutin. Le point sur la fraude électorale au Mexique avec Lourdes Morales, membre de la "Red de Rendición de Cuentas", ONG qui milite pour la transparence.


Manuel Lopez Obrador, candidat de la gauche, a contesté les résultats de la présidentielle...


Il a déposé un recours pour dénoncer des achats massifs de votes et le manque d'équité des moyens de communication pour la campagne électorale. Les observateurs électoraux qui utilisent les nouvelles technologies tels que "cuidemos el voto"et le mouvement des étudiants Yosoy#132 ont effectivement fait état d'intimidations et de menaces dans certaines régions.

Dèjà, lors des élections de mi-mandat de 2009, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) a obtenu une majorité absolue à la chambre basse mais beaucoup de fonctionnaires ont été accusés de manipuler la machine électorale et le PRI a été soupçonné d'achat de votes. Même constat lors des élections locales dans l'Etat de Puebla pour le Parti action nationale (PAN) et le Parti de la révolution démocratique (PRD) pour la ville de Mexico.


Quels moyens le gouvernement mexicain emploie-t-il pour lutter contre la fraude?


Après l'élection présidentielle de 2006, entachée de nombreuses irrégularités, planait l'ombre de la fraude électorale sur le scrutin de 2012. En 2007, une série de réformes constitutionnelles et légales ont été approuvées par le Congrès fédéral. Elles garantissent aux partis politiques un accès égalitaire aux médias, et un comptage des votes plus rigoureux (avec la possibilité de recompter les voix quand il y a des doutes sur le résultat). La réforme a aussi restreint la publicité des partis politiques à la télévision et à la radio, ainsi que les financements privés au sein de ceux-ci. Depuis cette réforme électorale, le gouvernement et les fonctionnaires (en particulier les Gouverneurs des Etats) n'ont pas le droit de faire de prosélytisme.

Pour les élections de 2012, l'Institut Fédéral Electoral (IFE), organisme autonome responsable de l'organisation des élections fédérales, a voulu améliorer sa capacité de suivi des médias. Une formation des fonctionnaires a même été mise en place ; 2 millions de citoyens ont été formés comme scrutateurs aux tables électorales avec l'aide de près de 30.000 assistants électoraux et près de 5000 superviseurs. Il s'agit d'une majorité de jeunes employés de l'IFE.

Y-a t-il eu par le passé des preuves sérieuses de fraudes?


Toutes ces précautions visent à ne pas reproduire ce qui s'est passé lors de l'élection présidentielle de 1988. Cette année-là, le leader de la gauche, Cuauhtémoc Cárdenas (PRD), a perdu la présidence en raison d'une gigantesque fraude électorale orchestrée par le PRI, au bénéfice de son candidat Carlos Salinas. L'escroquerie fut tout sauf subtile. Une fois fermés les bureaux de vote, les premiers sondages donnaient Cárdenas gagnant. Cependant, un prétendu problème dans le système électronique a arrêté le comptage. A la reprise de celui-ci, Salinas avait pris les devants.

Quand la victoire du candidat du PRI a été annoncée, l'opposition a demandé que les bulletins électoraux soient rendus publics pour vérification. Mais un incendie "accidentel" dans le sous-sol du Congrès, où les bulletins étaient conservés, a effacé les preuves d'une éventuelle fraude du PRI et par là même la première possibilité réelle de la gauche mexicaine d'accéder au pouvoir.

Et aujourd'hui, comment prouver l'existence d'irrégularités?


Le problème avec l'achat de vote, c'est que les preuves sont difficiles à trouver: pour beaucoup de citoyens, participer à des activités politiques en échange de biens ou d'argent, ne constitue pas un délit. Comment prouver ces fraudes, quand pour encore beaucoup de citoyens mexicains, c'est quelque chose de tout à fait normal? Malheureusement, le clientélisme fait partie du décor politique depuis bien trop longtemps pour qu'on puisse totalement le contrôler et l'éradiquer. Les Mexicains vivent dans l'ombre de la fraude électorale.

Cependant dans cette élection la différence entre la coalition du PRI (avec les Verts) et celle de la gauche est de plus de 6 points. Pour annuler cette élection il faudra prouver des irrégularités sur 3 millions de votes, ce qui semble très difficile.

Peña Nieto souhaite donner l'image d'un PRI rénové et démocratique. Pensez-vous que cela va être le cas ?


Je crois que le PRI n'a pas changé. Il n'est d'ailleurs pas "de retour" au pouvoir, comme on le dit, puisqu'il gère -de manière désastreuse, 19 Etats sur 31 au total. Sur les 19 actions que notre organisme réclamait aux différents candidats à la présidentielle, Peña Nieto s'est engagé une semaine avant son élection sur 10 à 12 d'entre elles. Nous demandions notamment plus d'autonomie pour les institutions chargés de la transparence, et une meilleure information sur la gestion des finances. Nous avons également proposé la création d'un organisme capable de sanctionner tous ceux qui sont responsables de détournement de fonds et de corruption.
Nous, la Red de Rendición de Cuentas, sommes méfiants envers le PRI. Ce qui compte maintenant, ce sont les actions concrètes que le nouveau gouvernement va engager, notamment dans sa lutte pour la liberté d'expression et la tolérance.

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