Publié le 04 juillet 2012 à 06h00 | Mis à jour le 04 juillet 2012 à 06h00
Françoise Roy
Écrivaine et traductrice, l'auteure habite le Mexique depuis 24 ans.
La Presse
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Le Mexique, une démocratie?
Faites-moi rire. La démocratie n'est-elle pas une exigence que les pays
des économies dites périphériques doivent remplir pour être acceptés au
sein de la communauté des nations civilisées?
Voter
est un devoir citoyen, droit acquis irréversible, preuve de
développement moral et de tolérance. C'est le discours officiel que
l'ont tient avec grande fierté depuis l'avènement au pouvoir du parti de
droite en 2000, après 70 ans ininterrompus de domination d'un seul
parti, processus que le Prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa a
qualifié de «dictature parfaite».
En tant que Québécoise vivant au Mexique depuis longtemps, j'en suis
venue à la conclusion que le suffrage basé sur les convictions
politiques individuelles est un mirage de bien-pensants, un luxe que ne
peuvent s'offrir que les États de droit. Un pays comme le Mexique, qui
possède un des plus hauts taux d'assassinats de journalistes au monde et
où plus de 50% de la population vit sous le seuil de la pauvreté, ne
peut s'orner d'une telle manifestation de civilité, produit d'esprits
illustres qui n'ont connu ni la faim ni la violence. Malgré son image
souriante achetée à coup de pots-de-vin versés aux médias, malgré sa
rhétorique de réconciliation nationale, sa coiffure impeccable, ses
belles paroles vantant la démocratie et la liberté, le nouveau président
élu dimanche l'a été, en partie, grâce au vote «acheté». Belle
invention du parti qui vient de reprendre le pouvoir. Il faut bien se
moderniser, se refaire une beauté. Plus besoin de faire assassiner votre
adversaire politique ou d'envoyer des commandos armés voler les boîtes
de scrutin: les armes à feu sont effroyablement salissantes (après les
60 000 morts officielles qu'a fait la «guerre» contre le crime organisé
menée par le président sortant, le peuple mexicain ne le sait que
trop...). En outre, les meurtres politiques donnent très mauvaise presse
dans les pays riches.
Monter démocratiquement sur la chaise présidentielle, ici, est beaucoup
plus simple que de se rendre coupable de fraudes d'envergure: vous
n'avez qu'à profiter (de façon éhontée) de la misère du peuple, de son
ignorance savamment maintenue. Il suffit d'aller dans les quartiers
populaires et d'offrir à qui est prêt à vendre son esprit pour un vil
sac, quelques billets de cent pesos (8$) en échange de son intention de
vote ou de sa carte d'électeur. Une pratique plus que courante lors de
la dernière campagne électorale, impeccablement efficace, que les
autorités électorales, de connivence avec le pouvoir, ont préféré ne pas
condamner.
Le stratagème a pourtant été dénoncé à de nombreuses reprises, vidéos et
témoignages à l'appui. Mais le silence est une chose bien utile quand
on protège le pouvoir.
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